ENERGIE DO
Atelier d’Énergétique Traditionnelle
Qi Gong traditionnel
WU WEÏ
Stéphane le 2024-11-08 -
WU WEÏ
Il s’agit d’un des principes fondamentaux du taoïsme philosophique que l’on peut traduire par « AGIR SANS AGIR ».
WU WEÏ veut dire « ne pas faire », au sens de « ne pas intervenir, « ne pas interférer », sous-entendu « laisser (les choses) se faire ».
On trouve l’origine de cette idée dans les classiques des premiers penseurs taoïstes et notamment chez Lao Tse, auteur du plus ancien traité taoïste le Tao Te King (le livre de la voie et de la vertu, écrit au VIe siècle avant J.-C)
Que nous dit le vieux sage ?
« Comme il ne cherche rien, le maître n’attend rien. Il est présent et peut accueillir toute chose.
Il voit les choses comme elles sont, sans tenter de les contrôler. Il les laisse suivre leur cours, et demeure au centre du cercle.
Quand rien n’est fait, rien n’est inachevé.
Si tu veux être en accord avec le Tao, fais simplement ton travail et lâche prise.
Lao Tseu, Tao Te king (trad. Stephen Mitchell)
Se conformer au Tao : du vide naît toute chose.
Le Tao c'est l'essence de la nature, la vacuité, la source de tout ce qui existe.
Agir en accord avec le Tao, c’est « incarner » ce principe cosmique du vide qui imprègne tout. C’est faire un avec le flux naturel de l'univers.
Comme ce musicien qui utilise le vide de sa flûte pour sortit des sons, et le vide entre les notes pour créer des mélodies.
Wu Weï suggère une action intuitive basée sur la spontanéité et la sérénité, un état de maîtrise qui suit le cours naturel des choses.
C’est un peu comme quitter la partition pour laisser s’exprimer la créativité. L’improvisation dans le jazz donne une idée assez juste de cet état particulier de fusion, quand tous les musiciens vibrent ensemble et semblent ne faire plus qu’un.
Dans nos cultures occidentales, ne pas agir serait un non-sens ?
En occident, depuis la mythologie grecque, en passant par les chevaliers et jusqu’aux super-héros d’aujourd’hui, l’action conquérante a imprégné nos esprits.
Nous baignons depuis notre plus tendre enfance dans cette valeur (soit disant) « positive » selon laquelle : de l’action dépend la réalisation (du désir). C’est cette idée qui justifie l’éloge de la vitesse, du progrès et finalement de l’agitation permanente. Toujours plus, vite, plus fort, plus loin, au-delà des limites, jusqu’à s’imaginer apprenti sorcier de la nature...
Or, dans la vraie vie, cette survalorisation de l’action, de l’objectif, et du résultat se révèle souvent une impasse pour l’immense majorité des gens. On le voit tous les jours, trop d’action épuise et conduit plutôt au burn out qu’à la sérénité.
Wu Weï nous invite à prendre le chemin totalement inverse, celui d’une vie tranquille et apaisée, libérée du désir permanent, et qui favorise du même coup la santé globale.
Quand l’attitude compte plus que le but.
La frustration ou la maladie sont souvent les témoins de nos comportements inadaptés.
Par exemple si vous vous sentez mal à l’aise dans votre corps, vous vous dîtes « je vais faire un régime ou m’inscrire à la salle de sport pour perdre du poids et muscler mon corps. »
En réalité, que vous dîtes-vous ? Que vous n’êtes pas comme vous aimeriez être ? En oubliant que ce qui vous motive, vous est souvent complètement extérieur.
Et si votre désir répondait d’abord à un canon culturel et éducatif qui met en avant la plastique comme une condition de la réussite et de la reconnaissance sociale ?
En occident, le culte du corps est associé à la réussite. A l’image de cette célèbre statue grecque montrant Héraclès, le héros terrassant le Cerbère.
Mais il est des cultures où le modèle est inversé.
Par exemple, en Asie, on trouve régulièrement des statues du Bouddha à gros ventre.
Celui-ci est représenté chauve et dénudé mais souriant gaiement. Or c’est un personnage très populaire qui symbolise justement l’être sans soucis, celui qui est libéré des souffrances de l’existence terrestre.
On rejoint ici la philosophie du Wu Weï qui ne cherche pas à lutter à tout prix pour exister et être reconnu, mais qui invite au contraire à être et s’accepter simplement tel que l’on est.
Pour comprendre Wu Weï, il est bon de reconnaître cette authenticité naturelle qui est déjà présente en chacun de nous et qui permet de laisser s’exprimer librement la vie qui est en nous.
A quoi ressemble l’être authentique selon la tradition ?
Zhuangzi, autre grand philosophe taoïste (IVe siècle avant J.-C) décrit avec clarté cette attitude de l’Homme authentique en comparant le cœur à un miroir :
« L'homme accompli utilise son cœur comme un miroir.
Il ne retient pas les choses, de même qu'il ne va au-devant d'elles.
Il y répond sans les garder.
Ainsi il est capable de dominer les choses sans rien subir. »
(…)
Pour y parvenir, Zhuangzi recommande ce qu’il appelle le « jeûne du cœur » (xinzhai) :
« Si l'on unifie sa volonté, on n'écoute plus avec ses oreilles mais avec le cœur ; on écoute avec le souffle vital (tchi). C'est le vide qui accueille toute chose. C’est la Voie. Le vide, c'est le jeûne du cœur. »
On comprend mieux que WU WEI (le non-agir) n'est pas l'inaction, mais désigne une attitude en conformité avec le mouvement de la nature et de la Voie.
La spontanéité et l’intuition sont les ressorts de cette attitude.
« Le spontané suit les choses et ne laisse pas de place à ce qui est personnel. »
Ainsi l'homme « authentique » selon Zhuangzi ne cherche rien. C’est ce qui lui permet de profiter de tout. À sa façon, il tend à n'être rien pour devenir tout.
Chapitre XIII
[...] « Heureux celui qui n'agit pas ! Il ne connaît ni chagrin ni misère et il vit longtemps. Le vide, la tranquillité, le détachement, l'insipidité, le silence et le non-agir constituent le principe de tous les êtres. »
Wu weï en pratique
Zuo Wan , « s'asseoir et oublier »
Adopter l’attitude du Wu Weï dans sa vie, c’est apprendre le relâchement, et cultiver le lâcher-prise.
A l’écoute du Tao, ressentir la vacuité, tout peut s’accomplir sans forcer.
Mais attention, « non-agir » ne signifie pas « ne rien faire » mais plutôt attendre que la situation soit propice pour agir.
Pas question de paresse, ni de passivité. Mais d’une façon d’être pleinement présente dans l’instant, ici et maintenant. Une attitude qui permet d’agir avec clarté et efficacité sans s’opposer au flux naturel de l'univers, mais plutôt en s’y adaptant sans le déranger.
Par exemple, pour traverser une rivière, vous pouvez forcer votre embarcation à remonter le courant pour arriver coûte que coûte là où vous avez décidez. Mais vous pouvez aussi choisir de vous laisser porter jusqu’à trouver un endroit plus accessible en aval.
Cela suppose de cultiver un état d’esprit dépouillé d’ego et de contrôle. De s’entraîner à écouter avec le cœur. De savoir être là, tout en sachant s’effacer, d’agir sans volonté mais avec détachement. On retrouve alors l’harmonie de soi avec le monde.
Pour intégrer le Wu Weï au quotidien, commencez par la méditation.
Comprenons bien une chose : il ne s’agit pas ici d’une nouvelle technique de développement personnel qui viserait à devenir maître de notre vie ; Wu Weï repose plutôt sur une humilité sincère et un amour pour tout ce qui existe.
Non-agir renvoie à une représentation cosmologique de l’homme comme un petit morceau d’Univers entre Ciel et Terre. En ce sens, vous êtes une partie du Tout, et cela doit se traduire par un profond respect, et une bienveillance totale à l’égard de la vie.
Comment retrouver ce lien ?
Zuo Wan , « s'asseoir et oublier »
C’est une pratique ancestrale qui fait partie des techniques de méditation taoïste parmi les plus simples et les plus efficaces.
Par la méditation on apprend à lâcher prise sur ses désirs et ses intentions pour se fondre et ne faire plus qu’un avec l’Univers.
Comment ressentir Wu Weï ?
N’ayez pas d’objectif fixe. Faîtes-vous confiance.
On l’a dit plus avant, ce qui compte c’est de « se laisser faire », de « se laisser être », et non de désirer ou d’attendre quoique ce soit. Si vous cuisiner par exemple, faites-le naturellement en mettant tout votre amour à la tâche, sans l’intention particulière de reproduire une recette. Idem si vous jouer au ballon avec des amis, ne compter pas les points, jouez avec joie et bienveillance. Observer les petits enfants lorsqu’ils jouent, ils semblent comme absorber, rien ne les dérange, ils sont entièrement à ce qu’ils font.
Pratiquez le retour au corps.
Vivez les sensations à l’instant présent : c’est ce que l’on appelle la pleine conscience. Soyez présent à ce que vous êtes en train de faire et ressentez la vie dans tous vos mouvements. Essayez de faire cela dans des tâches simples (comme faire la vaisselle ou se laver les dents).
Si vous souhaitez approfondir cette notion, n'hésitez-pas à vous plonger dans les ouvrages classiques du taoïsme cités dans cet article.
Voici également un petit lien vers une vidéo sur le Wu Weï et la notion de "lâcher-prise". A s'écouter tranquillement.
https://youtu.be/5F7ZW2DeirY
Terminons ce bref exposé par une petite fable bien connue qui illustre bien cet état d’esprit du WU WEÏ.
Remercions ici notre cher La Fontaine pour son legs intemporel.
Le chêne et le roseau
Le chêne un jour dit au roseau :
« - Vous avez bien sujet d'accuser la nature ;
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ;
Le moindre vent qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête.
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphyr.
Encore si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrai de l’orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste. »
- « Votre compassion, lui répondit l'arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci :
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables ;
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. »
Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le nord eût porté jusque-là dans ses flancs.
L'arbre tient bon ; le roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.
Jean de La Fontaine (Fables, recueil 1er, 1668)
Retour à la page précédente